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Ce qu’il faut savoir sur le nouveau Code sur les établissements d’entretien pour véhicules au gaz naturel et autres carburants alternatifs

10 Déc 2021    6 min.

Il semble de plus en plus évident que les carburants alternatifs comme le gaz naturel, lélectricité (batteries) et lhydrogène seront incontournables pour l’avenir du camionnage. Lindustrie doit donc se préparer à prendre en charge ces nouveaux véhicules – et certains ont déjà commencé à le faire, notamment les concessionnaires et les garages qui effectuent leur entretien.

Voilà pourquoi, depuis plusieurs années, le groupe DATECH d’Énergir travaille en étroite collaboration avec des experts techniques de l’Association Canadienne de Normalisation (Groupe CSA) pour élaborer des codes spécialement conçus pour le marché des carburants alternatifs.

Récemment, plusieurs de ces codes ont été révisés et améliorés, et sont maintenant à la disposition des concepteurs. Il s'agit notamment du code d’installation du gaz naturel pour véhicules CSA-B109, du code d’installation pour centres de ravitaillement (fixes ou mobiles) en gaz naturel comprimé (GNC) et gaz naturel liquéfié (GNC) série CSA B108:21 et de la deuxième édition du code sur les établissements d’entretien de véhicules au gaz naturel CSA B401, que nous examinons plus en détail dans cet article.

Un Code incontournable pour les concepteurs en mécanique du bâtiment

C'est en 2016 que le Groupe CSA a mis sur pied un comité technique pour élaborer un code expressément consacré aux établissements d’entretien des véhicules au gaz naturel. Ces travaux ont mené à la parution du Code CSA B401, dont la deuxième édition a été publiée au printemps 2021. Ce code vise à établir des moyens raisonnables de gestion des risques liés à l’entretien et à la réparation des véhicules alimentés au GNC ou au GNL dans les établissements d’entretien de véhicules motorisés.

Principaux changements apportés dans la deuxième édition :

  • clarification des approches de la première édition;
  • ajout de l'annexe D pour les infrastructures de stationnement fermées privées;
  • ajout de l'annexe E sous forme de commentaire offrant des renseignements supplémentaires sur le raisonnement qui sous-tend certains articles du Code;
  • inclusion des établissements d’entretien de véhicules au propane (ce qui a mené à la création d’un code distinct pour les différents types de carburants : CSA B401.1 pour le gaz naturel et CSA B401.2 pour le propane).

Ajoutons que le Groupe CSA envisage déjà l’ajout de chapitres pour les ateliers d’entretien pour véhicules hybrides et à l’hydrogène dans sa prochaine édition.

Plus précis et plus détaillé

Par ailleurs, le Code contient des annexes non exhaustives sur les procédures d’opération, de maintenance et de formation sécuritaires, et d’intervention en cas d’urgence pour les ateliers d’entretien de véhicules au gaz. Mentionnons par ailleurs que des références au Code CSA B401 devraient être incluses dans les prochaines éditions du Code national du bâtiment du Canada (entériné la plupart du temps par le Québec pour son propre Code de construction), ainsi que dans le Code national de prévention des incendies. Les nouvelles éditions de ces deux codes sont prévues dans les semaines à venir.

Des normes repensées

Le Code CSA B401 propose également une gestion en approvisionnement d’air améliorée par rapport à la règle des quatre changements d’air à l’heure proposée dans les guides temporaires créés il y a une dizaine d'années. Ces guides visaient à pallier les manquements relatifs à la conception des ateliers de réparation suivant l’émergence soudaine des camions propulsés au GNL et au GNC. Le Code apporte aussi des précisions sur les changements d’air à l’heure nécessaires pour certains types de réparations, qu’elles soient mineures ou majeures. Ces précisions tiennent également compte de l’intensité d’énergie (pression) présente dans le réservoir des véhicules au moment de la réparation.

Un atelier de réparation qui serait ventilé 24 h sur 24 pour parer à d’éventuelles fuites de carburant ne serait pas très efficace énergétiquement, si bien que le taux de changement perpétuel de quatre changements d’air à l’heure n’est plus justifié.

Réparations mineures et réparations majeures

Le Code établit donc une stratégie de gestion du risque lié à la pression restante dans les réservoirs qui équivaut à une quantité gérable de gaz en cas de fuite accidentelle. Pour ce faire, le Code définit deux types de réparations basées sur le risque de manutention à proximité du système d’alimentation en carburant du véhicule : les réparations mineures et les réparations majeures. Une nuance est également apportée sur ce risque en s’appuyant sur la quantité d’énergie présente lors de la réparation. En effet, selon le code CSA B401, un(e) garagiste ou concessionnaire peut réaliser des réparations « majeures » sur un véhicule au GNC dans une zone conçue pour des réparations « mineures », si le véhicule est préalablement dépressurisé, dans un endroit extérieur sécurisé, sous la barre des 500 psig (3 500 kPa). Rappelons que la pression d’opération maximale d’un réservoir de véhicule au GNC est de 3 600 psig (24 800 kPa), mais que la pression d’alimentation au moteur est d'environ 125 psig (860 kPa).

Des espaces distincts

Les espaces de réparation d'un atelier peuvent donc être conçus et dédiés en fonction des risques encourus. Plusieurs particularités s’appliquent à l’adaptation de ces espaces – en particulier les espaces de travaux majeurs –, mais les principaux points à prendre en compte sont les taux de ventilation d’air neuf et l’installation de détecteurs de méthane. Les tableaux de conception mécanique ci-dessous indiquent la classification électrique dans les zones de réparation, ainsi que les autorisations d’entrées pour les véhicules au GNC (voir le Code CSA B401 pour les règles complètes) :

Zones de classification électrique – Atelier de réparations mineures

Type de baie ou zone Classification Exigences de design
Zone de réparation mineure de GNC Non-classifié Tous les endroits si une ventilation de purge continue de 2 changements d’air à l’heure (CAH) est fournie
Non-classifié Tous les endroits si :
  1. Une ventilation normale continue est appliquée de ½ CAH (peut être passive ou dynamique si l’air est extrait à 0,5 m du plafond)
  2. La détection de gaz est interloquée pour activer au besoin une ventilation de purge de 2 CAH
Classe 1, zone 2, Groupe IIA Zones immédiatement en dessous du plafond d’une hauteur de 0,5 m; et 4,5 m dans toutes directions d’une sortie de ventilation de purge si :
  1. Aucune ventilation continue de ½ CAH n’est fournie et
  2. La détection de gaz est interloquée pour activer au besoin une ventilation de purge de 2 CAH

Tous les autres endroits sont non-classifiés

Zones de classification électrique – Atelier de réparations majeures

Type de baie ou zone Classification Exigences de design
Zone de réparation majeure de GNC Non-classifié Tous les endroits si une ventilation continue tel que spécifiée au tableau de droite
Non-classifié Tous les endroits si :
  1. Une ventilation normale continue est appliquée de ½ CAH (peut être passive ou dynamique si l’air est extrait à 0,5 m du plafond
  2. La détection de gaz est interloquée pour activer au besoin une ventilation de purge telle que spécifiée dans le tableau de droite
Classe 1, zone 2, Groupe IIA Zones immédiatement en dessous du plafond d’une hauteur de 0,5 m; et 4,5 m dans toutes directions d’une sortie de ventilation de purge si :
  1. Aucune ventilation continue de ½ CAH n’est fournie et
  2. La détection de gaz est interloquée pour activer au besoin une ventilation de purge telle que spécifiée dans le tableau de droite

Tous les autres endroits sont non-classifiés

 

CAH (changement d’air à l’heure) minimal pour travaux majeurs Volume de la zone de réparation majeur « V » (m3)
10,0 V<400
8,5 400<=V<800
7,0 800<=V<1 600
6,0 1 600<=V<3 200
5,0 3 200<=V<6 400
4,5 6 400<=V<12 800
4,0 V>=12 800

Autorisations d’entrées pour véhicules au GNC

Statut du véhicule – Pression du système de réservoirs Type de réparation Espace de réparation requis
Toute pression plus petite ou égale à 3 600 psig (P/T compensées) Réparation mineure; ou entreposage non-surveillée pendant une réparation mineure Réparation mineure (et aussi majeure par défaut)
<500 psig Réparation mineure ou majeure; ou entreposage non-surveillée pendant une réparation mineure ou majeure Réparation mineure
>500 psig Réparation majeure ou entreposage non-surveillée pendant une réparation majeure Réparation majeure

Deux types d'installation

Les schémas qui suivent sont basés sur ces normes et illustrent en partie les exigences applicables à un atelier ou une partie d’atelier utilisé comme zone de réparations mineures.

1. Installation type travaux mineurs – situation sans modification – ventilation en continue

Zones non-classifiées électriques pour GNC (Réf. CSA B401) :

  • Aucune modification si une ventilation de purge continue de deux changements d'air à l'heure (CAH) est déjà fournie.
installation, travaux mineurs, ventilation

2. Installation type travaux mineurs – situation avec modifications pour éviter une ventilation continue

Zones non-classifiées électriques pour GNC si situation précédente inexistante :

  • À tous les endroits de l'atelier si :
    • Une ventilation continue de ½ CAH est appliquée (généralement le cas – peut-être passive si l'air est extrait à 0,5 mètre du plafond)
    • La détection de gaz est interloquée pour activer au besoin un dispositif d'évacuation de 2 CAH
installation, travaux mineurs, ventilation

Des aménagements adaptés

On peut aussi envisager de concevoir des baies de réparation réservées aux véhicules à carburant alternatif à l’intérieur d’un atelier qui prend en charge les véhicules au diesel. Des partitions étanches faites de matériaux résistants au feu devront alors être ajoutées et les nouvelles baies devront être maintenues à une pression légèrement négative par ventilation naturelle.

En ce qui concerne l'obligation de dépressuriser préalablement les réservoirs des véhicules pour effectuer des travaux majeurs dans une zone de réparations conçue pour des travaux mineurs, les concepteurs devront s'assurer que le gaz naturel peut être éliminé de façon sécuritaire et acceptable pour l’environnement. La captation et le torchage par système catalytique ou la réinjection dans une petite station de ravitaillement pourraient constituer des solutions de choix à cet égard.

Prendre une part active dans la décarbonisation

Bien que cet article ne soit qu'un aperçu des nouvelles normes relatives aux établissements d'entretien des véhicules au gaz naturel et autres carburants alternatifs, il est essentiel de rappeler que les objectifs de décarbonisation du Québec auront un impact majeur sur l’industrie du transport, responsable à elle seule de plus de 40 % des émissions de GES. Les carburants alternatifs sont donc appelés à occuper une place de plus en plus importante dans le secteur du camionnage. Dans ce contexte, les entrepreneurs et ingénieurs spécialisés en mécanique du bâtiment auront un rôle de premier plan à jouer pour adapter les ateliers d'entretien afin qu'ils soient aux normes pour accueillir cette nouvelle génération de véhicules.

 

Sébastien Lajoie, ing., CEM, PCMV
Leader Expertise Énergétique et Infras GNC/L
Groupe DATECH

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