En gestion immobilière, les dépenses énergétiques sont le poste qui présente le plus important potentiel de réduction des coûts. Or la remise au point des systèmes mécaniques des bâtiments est un moyen relativement simple de faire baisser la facture d’énergie de 10 à 15 % tout en augmentant le confort des occupants moyennant un investissement qui se rentabilise en seulement quelques années.
Mais quelles sont les conditions gagnantes pour assurer le succès d’un projet de remise au point? Quels bâtiments sont les meilleurs candidats? Et quelles mesures implanter pour maximiser l’efficacité d’un tel projet? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cet article.
Exemple de dépenses d’exploitation et de gestion immobilière
La remise au point en bref
Rappelons d’abord que la remise au point des bâtiments, communément appelée « RCx », est une démarche structurée qui vise à s’assurer que les appareils et les systèmes du bâtiment fonctionnent de façon optimale afin de répondre aux besoins actuels des occupants. C’est une démarche peu coûteuse, car il ne s’agit pas de remplacer les systèmes existants ou d’en ajouter de nouveaux, mais d’optimiser le fonctionnement des systèmes existants en vue d’améliorer le confort des occupants et de réaliser des économies d’énergie. La période de retour sur investissement de ces projets est généralement inférieure à trois ans.
Prérequis pour le succès d’un projet de RCx
Le succès d’un projet de remise au point repose sur un certain nombre de conditions, à commencer par la participation de la haute direction (les responsables des dépenses d’exploitation) au projet, ainsi qu’une définition claire des rôles et responsabilités de chacun dès le départ.
Faire appel à un professionnel
Il est également important de faire appel à un professionnel en RCx dès le début du processus de sélection et de priorisation des immeubles. De plus, le gestionnaire et son équipe doivent discuter avec ce professionnel de la stratégie de développement des immeubles sélectionnés pour les cinq années subséquentes. D’autre part, le professionnel en RCx doit être informé de la stratégie financière du groupe immobilier pour pouvoir proposer uniquement les mesures dont la période de retour sur investissement correspond aux critères de rentabilité du projet.
Susciter l’adhésion de l’équipe
Le professionnel en RCx joue également un rôle de premier plan dans la mobilisation de l’équipe d’exploitation des immeubles. Il doit présenter et expliquer le projet aux membres de l’équipe, tenir compte de leur point de vue et de leur réalité, et les consulter afin de créer un sentiment d’appartenance. L’équipe d’exploitation sera ainsi plus encline à collaborer et à prêter une attention particulière aux systèmes après l’implantation des mesures. De cette manière, elle développera des réflexes d’optimisation et se tournera naturellement vers le professionnel en cas de problèmes électromécaniques.
Fournir une documentation détaillée et complète
Par ailleurs, le propriétaire doit fournir aux parties concernées toute la documentation sur le bâtiment (plans et devis, séquences d’opération à partir du DDC, rapports d’inspection, manuels d’opération et d’entretien, factures d’énergie des trois dernières années, etc.). Une documentation détaillée et à jour exige moins d’efforts de la part du professionnel en RCx, ce qui permettra de réduire les coûts de réalisation du projet.
Centraliser les contrôles
Avant d’amorcer le projet, il est préférable d’intégrer le contrôle des systèmes autonomes (« stand-alone ») au système de contrôle centralisé. Il est également nécessaire d’avoir un type de boîtes de fin de course adéquat tel que des boîtes VAV. De plus, il faut que le plancher puisse communiquer avec les salles mécaniques centrales.
Ne pas écarter les petits bâtiments
Enfin, les bâtiments de petite taille ne doivent pas être systématiquement écartés des projets de remise au point. Dans leur cas, on peut entreprendre une démarche abrégée qui permettra d’atteindre une meilleure rentabilité.
Caractéristiques d’un bon candidat à la remise au point
À l’aide des bons outils de présélection, notamment une réflexion basée sur une matrice effort/bénéfice et une analyse des baux, le gestionnaire de parc immobilier et son équipe, avec l’aide de l’expert en RCx, doivent cibler les immeubles qui seront les meilleurs candidats à une remise au point des systèmes mécaniques. Dans le cadre de ce processus, plusieurs critères doivent être pris en considération, parmi lesquels :
- Bâtiment équipé d’un système de contrôle centralisé (DDC) permettant une régulation par zone.
- Intensité énergétique élevée comparativement à d’autres immeubles de même vocation. Une analyse comparative (« benchmarking ») au moyen de l’Energy Star Portfolio Manager ou des données de l’enquête sur la consommation énergétique des bâtiments de Ressources naturelles Canada peut être un bon point de départ pour savoir où se situe l’immeuble en termes de consommation d’énergie.
- Problèmes de combats thermiques engendrant des appels de service liés au confort des occupants.
- Équipements électromécaniques en bon état. Dans le cas des équipements en fin de vie, il est plus judicieux de remplacer les équipements avant d’entamer un projet de RCx.
- Taux d’occupation représentatif de la réalité du bâtiment (ne pas amorcer le projet de RCx si le taux d’occupation du bâtiment est faible car cela pourrait fausser les résultats).
Mesures de remise au point rentables pour les immeubles commerciaux
Une fois le ou les bâtiments sélectionnés, l’équipe de projet pourra choisir les mesures les plus efficaces et les plus rentables en fonction de l’occupation et des usages courants, par exemple :
- Recul nocturne (ajustement des points de consigne de température en période inoccupée).
- Ajustement des débits de boîtes de fin de course :
- Lors de la conception, les débits sont souvent basés sur la charge présentant le pire cas, mais la charge réelle est généralement moins élevée quand on tient compte de l’occupation.
- Maintien du débit minimal requis au serpentin de chauffage.
- Ajustement des horaires d’opération en fonction de l’occupation et des baux.
- Amélioration des courbes de température des systèmes de ventilation.
- Ajustement des pressions des systèmes de ventilation.
- Amélioration de la séquence de contrôle de la boucle d’eau chaude.
- Mise en place de séquences pour favoriser le chauffage hors pointe, si possible.
- Contrôle de l’air neuf : ajustement du débit d’air frais en fonction du taux d’occupation dans les différentes zones du bâtiment.
- Favoriser le refroidissement naturel (« free cooling ») lorsque c’est possible.
- Ajustement/étalonnage des sondes de température, d’humidité, etc. et remplacement des sondes défectueuses.
- Réparation des valves.
- Contrôle de l’éclairage.
- Nettoyage des échangeurs de chaleur encrassés.
Assurer le transfert, le suivi et la persistance
Se contenter d’implanter des mesures correctives ne suffit pas à atteindre le plein potentiel des économies et on ne peut pas parler d’un projet de RCx dans ce cas. Par définition, un projet de remise au point est une démarche qui comprend un suivi en continu pendant au moins deux années consécutives. Le suivi de la performance et la persistance des mesures implantées est primordial pour que le projet RCx atteigne son plein potentiel.
Suivi énergétique
Un projet de RCx doit intégrer un outil de suivi énergétique permettant de surveiller les immeubles en temps réel : courbes de tendance de chauffage et refroidissement, puissance des forces motrices, points de consigne, de pression, etc. Les systèmes de contrôle centralisé permettent de recueillir et de visualiser ces données sous forme de graphiques et de tableaux, de compiler une multitude d’algorithmes complexes, et de générer des rapports pour une meilleure analyse des données. Des alertes programmées peuvent aussi prévenir certaines problématiques. Toutefois, un trop grand nombre d’alertes peut compliquer la gestion des systèmes à un point tel que l’opérateur risque de les ignorer. Il est donc préférable de se concentrer uniquement sur les alertes liées à des changements importants.
Automatisation
Il est également plus facile aujourd’hui d’automatiser la collecte des factures des différents fournisseurs d’énergie pour pouvoir les comparer et faire le parallèle avec les courbes de suivi du comportement des systèmes. Investir dans l’archivage est une bonne pratique pour conserver un historique des données. Mieux encore, le système comptable peut être relié à la plateforme du système d’information sur l’énergie pour automatiser le processus de facturation des locataires afin de gagner du temps et réduire les erreurs.
Surveillance en continu
La surveillance permet de comprendre les grands postes de consommation d’énergie dans les immeubles et aide l’équipe d’exploitation à être plus proactive dans la planification de ses interventions. À cette fin, les gestionnaires disposent de plusieurs outils gratuits et faciles à utiliser comme l’Energy Portfolio Manager. Qui plus est, l’adoption de règlements comme celui de la ville de Montréal sur la divulgation et la cotation des émissions de GES accélère le déploiement de ces outils. Bref, un système de surveillance en continu est aujourd’hui indispensable pour réduire les coûts énergétiques et les émissions carbone des immeubles.
Avantages de la remise au point des systèmes mécaniques
Au-delà des économies d’énergie, la remise au point des systèmes mécaniques offre des avantages notables qui peuvent avoir des répercussions durables sur les caractéristiques fonctionnelles, la valeur et l’empreinte carbone des immeubles. Elle permet de :
- Réduire les coûts d’exploitation.
- Prévenir l’usure prématurée des équipements (amélioration de leur durée de vie). Le RCx assure une utilisation optimale des équipements, en réduisant par exemple les cycles d’arrêts/départs, les horaires de fonctionnement, etc., ce qui ralentit leur dépréciation.
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).
- L’automatisation décharge en partie les opérateurs de la surveillance en continu, réduit le temps de diagnostic et leur permet de se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée.
- La documentation fournie suite au projet de RCx permet aux équipes d’exploitation de mieux structurer leur travail et facilite le diagnostic lors d’éventuels problèmes mécaniques.
- Améliorer le confort thermique des occupants ainsi que la qualité de l’air intérieur.
- Améliorer la valeur des immeubles. La remise au point facilite l’obtention de certifications telles que BOMA Best et LEED.
- Surclasser des immeubles et ainsi attirer et retenir des locataires qui signent des baux à long terme.
En résumé : un projet rentable à long terme
Un projet de remise au point des systèmes mécaniques permet des économies moyennes de 10 à 15 % et la période de retour sur investissement est généralement inférieure à trois ans. Ce genre de projet est particulièrement intéressant pour les immeubles vieillissants et/ou énergivores pour peu qu’on adopte une approche méthodique fondée sur une présélection informée des bâtiments qui offriront le meilleur rapport effort/bénéfice. Pour pérenniser les avantages offerts par la remise au point, il convient également de suivre en continu les mesures adoptées afin de s’assurer de leur efficacité à long terme. C’est ce processus qui garantira la viabilité du projet, tant en termes de consommation d’énergie que de confort des occupants et de réduction des GES.
Des subventions sont disponibles pour rendre les projets de remise au point encore plus rentables, dont le volet Remise au point du programme Diagnostic et mise en œuvre d’Énergir.
|
Feriel Acher, ing., PCMV, CEM
Conseillère expertise énergétique
Groupe DATECH
Continuez votre lecture