Le traitement des fumées et des composés atmosphériques émis par différents procédés de transformation est un enjeu de santé publique important. Pensons notamment aux émissions des moteurs diesel1 (navires, locomotives et camions), au monoxyde de carbone (CO) et aux composés organiques volatils (COV) émis par de nombreuses industries. Les COV constituent d’ailleurs l’un des principaux ingrédients de la formation de l’ozone troposphérique, qui contribue en retour à la formation du smog2. Dans cet article, nous explorerons différents moyens d’atténuer efficacement ces émissions grâce à l’oxydation au gaz naturel.
La revalorisation ou de la destruction?
Au Québec, les émissions de polluants sont assujetties au Règlement sur la qualité de l’atmosphère, mais il existe également des règlements, parfois plus stricts, propres à certaines municipalités. Pour plusieurs entités manufacturières, une réduction de ces émissions sous les niveaux prescrits par ces règlements sont requis. La revalorisation et la destruction de ces polluants deviennent alors les deux principales stratégies de contrôle de ces émissions. La revalorisation est évidemment préférable si le composé a une valeur calorifique élevée et s'il est rentable d’y recourir. C’est le cas de certaines grandes aciéries, qui récupèrent le CO généré lors du procédé de fonte pour le revaloriser dans d’autres procédés connexes de l’usine en utilisant le gaz naturel en appoint.
Dans le cas contraire, on privilégiera la destruction, notamment pour les émissions de CO et les COV. Cette destruction peut se faire par oxydation thermique – là aussi avec l’aide du gaz naturel, une source d’énergie qui se distingue par sa combustion propre et son rendement énergétique. Nous verrons d’ailleurs plus loin que, même dans le cadre d’une stratégie de destruction, il est possible et souhaitable de revaloriser l’énergie perdue grâce à la récupération thermique.
L’oxydation (ou incinération) thermique
L’oxydation thermique consiste à incinérer ou oxyder des substances malodorantes (à base d’hydrocarbures) ou des COV. Ces derniers se présentent la plupart du temps comme un mélange de plusieurs composés organiques. En raison de la complexité de ces mélanges, il serait fastidieux de décrire en détail toutes les réactions chimiques qui entrent en jeu dans ce processus. Ce qu’il faut cependant retenir, c’est que certains mélanges de COV présentent une valeur calorifique intéressante, mais souvent insuffisante pour brûler ou s’autoallumer d’eux-mêmes. Il faut donc les faire monter en température au moyen de brûleurs auxiliaires généralement alimentés par du gaz naturel. Lorsque le mélange atteint une température située entre 800 et 1 200 °C et avec suffisamment de temps pour que la réaction se produise, on obtient une combustion adéquate pour la destruction. Du même coup, l’incinération ou la destruction du mélange est réalisée sans émettre de contaminants. De plus, la plupart des systèmes d’oxydation thermique sont dotés d’un récupérateur de chaleur intégré (voir schéma ci-contre).
Les gaz résiduaires traités par oxydation thermique sont principalement composés de vapeur d’eau, d’azote, de dioxyde de carbone et d’oxygène. D'autres polluants peuvent être présents dans les gaz résiduaires traités si le fonctionnement de l’oxydateur thermique est inadéquat ou si la teneur en polluants en amont est variable dans le temps. Un traitement supplémentaire en amont ou en aval des gaz émis par le procédé peut alors s’avérer nécessaire. C’est le cas notamment pour le traitement de petites quantités de contaminants dilué dans un grand débit d’air comme pour l’extraction de procédé de peinture : l’utilisation en amont de l’oxydateur d’un concentrateur d’émissions à adsorption/désorption régénératifs est requise.

Schéma de fonctionnement d’un oxydateur thermique à gaz naturel avec récupération de chaleur
L’oxydation thermique régénérative
La régénération est une autre manière de récupérer l’énergie d’un traitement d’oxydation thermique. Cette méthode, que l’on nomme oxydation thermique régénérative ou OTR, est utilisée dans la plupart des procédés d’oxydation thermique. Le principe de régénération de ces appareils repose sur l’utilisation d’échangeurs de chaleur (généralement en céramique) situés dans deux foyers utilisés en alternance. Ceux-ci permettent d’emmagasiner la chaleur du flux sortant de l’appareil, puis de la réinsérer dans le flux entrant. Un taux de récupération de chaleur de l’ordre de 95 % est anticipé avec cette méthode, ce qui ne nécessite donc qu’un très faible apport en chaleur externe. L’alternance des flux à traiter est assurée par des soupapes de transfert de débit qui permettent d’inverser leur direction.

Schéma de fonctionnement d’un appareil d’OTR alimenté au gaz naturel
L’oxydation catalytique
L’oxydation catalytique offre l’avantage de se produire à des températures comprises entre 200 et 700 °C, soit nettement moins que les 800 à 1 200 °C nécessaires à l’oxydation thermique. Ce traitement permet de réduire les besoins en énergie auxiliaire et de diminuer les NOx thermiques inhérents à toute combustion à haute température. L’oxydation catalytique consiste à faire passer l’effluent préchauffé à travers un lit catalytique qui favorise l’oxydation. Les catalyseurs sont généralement faits de métaux nobles comme le palladium et le platine, ou encore d’oxydes de cuivre.
L’effluent à traiter passe d’abord par une chambre de préchauffage, qui porte les fumées à la température requise pour l’oxydation catalytique. L’énergie de chauffage est fournie par un brûleur fonctionnant la plupart du temps au gaz naturel.
L’inconvénient majeur des systèmes d’oxydation catalytique tient à la désactivation possible du catalyseur sous l’effet d’une température excessive, de particules, de la suie ou de matériaux polymériques. Un prétraitement des fumées lourdes en particules est alors requis (filtres séparateurs). De plus, la plupart des catalyseurs sont sujets à l’empoisonnement par des contaminants comme le phosphore, l’arsenic, le mercure, etc.

Oxydateur catalytique avec récupération de chaleur
Source : Photo courtoisie de Anguil Environmental Systems
La récupération de l’énergie aux effluents de système
Que ce soit pour une oxydation thermique régénérée ou non, il peut être judicieux d’analyser la possibilité de récupérer l’énergie à la sortie du système.
Au préalable, il faut toutefois s’assurer que :
- la combustion est optimisée au moyen de contrôles automatisés;
- le brûleur à gaz naturel est utilisé adéquatement;
- les infiltrations d’air sont minimisées;
- l’équipement est bien entretenu.
Une analyse réalisée par des experts permettra de valider ces critères. Elle pourra aussi inclure des propositions visant à identifier et récupérer les gisements d’énergie disponible des effluents du système, par exemple :
- le préchauffage de l’air neuf du système, du bâtiment, ou d’autres équipements de combustion de l’usine;
- le préchauffage d’un liquide caloporteur relié à un procédé de chauffage;
- l’alimentation d’une bouilloire dite de récupération qui produit de la vapeur ou de l’eau chaude auxiliaire pour alimenter un réseau existant;
- etc.
Ces mesures et ces analyses, y compris l’optimisation des contrôles existants, peuvent faire l’objet d’une demande de subvention dans le cadre du programme d’efficacité énergétique d’Énergir. À l’instar d’une OTR, les mesures de récupération d’énergie à l’effluent d’un système d’oxydation thermique peuvent être traitées en surcoût d’un système de référence, que ce soit pour une stratégie de destruction ou de récupération. De plus, si l’installation d’un nouvel équipement est envisagée pour traiter des émissions de contaminants existants, le programme d’Énergir offre la possibilité de simuler la référence énergétique d’un incinérateur fictif et de comparer les données au scénario de récupération en surcoût.
Les avantages du gaz naturel et du GNR
L’utilisation d’un brûleur à gaz naturel comporte plusieurs avantages tels qu’une puissance disponible et une élévation rapide de température pour un meilleur contrôle de destruction. Il offre également une fiabilité accrue due au fait qu’aucun contact avec un échangeur n’est requis (flamme directe). Les risques d’encrassement sont donc diminués.
L’utilisation du gaz naturel renouvelable (GNR) peut être intéressante dans ce contexte. En effet, un tel usage permettra une élimination à faible empreinte environnementale des émissions de contaminants, en plus d’assurer une récupération optimale de l’énergie.
De l’expertise et des conseils avisés pour faire le bon choix technologique
La technologie de traitement des fumées ou d’émissions de contaminants à privilégier dépendra en grande partie de la situation à résoudre. Le débit de flux gazeux constant, notamment, sera déterminant pour rentabiliser au maximum le système. L’équipe Datech peut vous conseiller si vous avez des doutes quant à la méthode d’incinération de contaminants issus d’un procédé de transformation, quel qu’il soit. N’hésitez pas également à communiquer avec votre représentant commercial pour discuter d’optimisation énergétique dans un contexte de décarbonation.
Sébastien Lajoie, ing, CEM, PCMV
Chef d’expertises énergétiques
Groupe DATECH
1 https://www.energir.com/fr/transport/avantages/reduction-des-emissions-polluantes/
2 Source : Gouvernement du Canada.
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