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L’unité de toit hybride : une solution de décarbonation efficace et efficiente

15 Oct 2023    8 min.

Les changements climatiques nous ont amenés à engager une réflexion collective sur les actions à mettre en œuvre pour réduire nos émissions de GES. Pour y parvenir, Énergir croit notamment en la complémentarité entre l’électricité et le gaz naturel pour mieux chauffer les bâtiments. Cette combinaison permet de consommer la bonne source d’énergie, au bon moment et au meilleur coût. Comme vous pourrez le découvrir dans cet article, les unités de toit hybrides sont une des solutions qui misent sur cette complémentarité.

Qu’est-ce qu’une unité de toit hybride?

L’unité de toit hybride est un appareil de chauffage et de climatisation des espaces qui fait appel à deux sources d’énergie pour combler les besoins de chauffage. L’électricité alimente une thermopompe qui assure le chauffage et la climatisation de l’espace, tandis qu’un brûleur à gaz naturel prend la relève de la thermopompe par temps très froid. Dans certains cas, elle peut aussi permettre d’augmenter la capacité de chauffage lorsque la thermopompe ne suffit pas à la demande de consommation.

Une unité de toit hybride peut facilement remplacer une unité de toit à gaz naturel. Généralement, une base de transition est nécessaire pour raccorder adéquatement l’unité de toit au système mécanique en place. De plus, comme toutes les autres unités de toit, les unités hybrides peuvent être à volume constant ou à volume variable.

Comment ça marche?

Les contrôles internes de l’appareil font en sorte que la régulation de la température est effectuée par la thermopompe, si bien que le brûleur à gaz naturel ne démarre que lorsque la température extérieure atteint une certaine valeur. Bien qu’une thermopompe nécessite une capacité électrique moins importante qu’un serpentin électrique, la présence du brûleur à gaz permet de mieux gérer les pointes de consommation et d’assurer l’effacement de la demande en puissance.

Contrôle personnalisé

Si la température de permutation est prédéfinie à l’usine, le contrôle de l’appareil permet de régler ce point de consigne lors de son installation sur le chantier. Dans les régions où le distributeur d’électricité offre une tarification basée sur la température extérieure, l’usager peut donc effectuer la modification directement sur l’appareil; toutefois, certains manufacturiers recommandent de ne pas modifier ces paramètres.

Intégration optimale, économies maximales

Les réglages peuvent aussi se faire en raccordant l’appareil au système d’automatisation du bâtiment (SAB) s’il est présent. Divers horaires et paramètres peuvent alors être programmés pour contrôler l’appareil. Cette façon de procéder permet de profiter d’une tarification dynamique et d’optimiser le fonctionnement de l’unité de toit afin de réduire les coûts d’utilisation ou d’atteindre des objectifs de réduction de GES préalablement identifiés.

Un nouveau tarif sur mesure pour la biénergie

Au Québec, Hydro-Québec a été autorisée par la Régie de l’énergie à appliquer un nouveau tarif biénergie de petite et de moyenne puissance pour le chauffage des espaces pour ses clientèles commerciales et institutionnelles. Les unités de toit hybrides sont l’une des solutions permettant de bénéficier de ce tarif. Le tarif biénergie offert par Hydro-Québec est basé sur une température de permutation de -12 °C (-15 °C pour certaines régions). Le transfert vers la source d’appoint est effectué par un signal envoyé par une sonde de température intégrée au compteur s’il est situé à l’extérieur, ou installée à l’extérieur dans le cas contraire. C’est cette sonde qui dicte le moment de passage d’une source d’énergie à l’autre et non pas les contrôles internes de l’unité de toit hybride.

Un projet-pilote collaboratif

À l’heure actuelle, ni les unités de toit hybrides (thermopompe-brûleur à gaz naturel), ni même les unités de toit thermopompe-appoint électrique, ne sont encore très présentes au Québec. C’est pourquoi Énergir a voulu bien comprendre le fonctionnement de ce type d’appareil et son potentiel de réduction des GES au moyen d’un projet-pilote réalisé en collaboration avec Hydro-Québec. Ce projet, qui comprend plusieurs sites, avait pour objectifs de valider la performance énergétique de l’appareil et son fonctionnement.

Des sites variés et représentatifs

Pour la saison de chauffage 2022-2023, trois sites ont été sélectionnés pour une première phase de validation.

  • Le premier site est un édifice à bureaux d’une superficie de 1 680 m2 comprenant une section garage. Deux unités de toit y sont installées : une unité de 25T avec chauffage à gaz naturel et une unité hybride de 7,5T. Le chauffage du périmètre est assuré par une chaudière à eau chaude à gaz naturel d’une puissance de 185 MBH.
  • Le deuxième site est un espace à bureaux comprenant un entrepôt et doté de deux unités de toit hybrides, soit une unité de 4T et une unité de 10T. Des serpentins de fin de course viennent compléter le chauffage et le périmètre est pourvu de plinthes électriques.
  • Enfin, le troisième site vient simuler un entrepôt équipé d’une unité hybride de 4T fonctionnant seule, sans apport complémentaire de chaleur.

 

Projet Type de bâtiment Technologie évaluée Caractéristiques du chauffage existant
Site 1 Bureau administratif Unité hybride de 7,5T

1 autre zone couverte par une unité de toit de 25T

Chauffage à eau chaude au périmètre

Unité hybride - bureau administratif
Site 2 Bureau entrepreneur

1 unité hybride de 10T

1 unité hybride de 4T

Chauffage électrique en fin de course

Chauffage électrique en fin de course
Site 3 Entrepôt Unité hybride de 4T

Sans autre système de chauffage

Sans autre système de chauffage
Tableau 1 — Caractéristiques des sites du projet pilote

Trois stratégies de contrôle différentes

Pour la première phase du projet, aucune des unités de toit hybrides n’a été contrôlée par la sonde de température habituellement fournie par Hydro-Québec. C’est donc avec les dispositifs de contrôle qu’offrent les unités que celles-ci ont été évaluées.

Sur les quatre unités de toit hybrides installées, on retrouve trois stratégies de contrôle différentes. Une des unités permet l’opération simultanée de la thermopompe et du brûleur (figure 1), alors que le contrôle des autres unités de toit repose sur l’utilisation d’une seule des deux sources d’énergie (figures 2 et 3). Pour ces unités, bien que les plages d’opération soient larges et qu’il existe un chevauchement, les deux sources d’énergie ne sont pas utilisées en même temps. De plus, le brûleur à gaz naturel se déclenche à une température plus élevée sur une des unités que sur l’autre. Cela peut notamment s’expliquer par l’utilisation du gaz naturel lors des cycles de dégivrage.

Figure 1 — Stratégie de contrôle permettant une utilisation simultanée des deux sources d’énergie
Figure 2 — Stratégie de contrôle permettant l’utilisation d’une seule des deux sources d’énergie à la fois
Figure 3 — Stratégie de contrôle permettant l’utilisation d’une seule des deux sources d’énergie à la fois

La température extérieure : un facteur déterminant pour l’efficacité

Les paramètres mesurés dans le cadre du projet-pilote ont permis de valider l’impact de la température extérieure sur l’efficacité et la capacité de l’appareil. L’un des désavantages d’une thermopompe électrique est la diminution de son efficacité et de sa capacité à basse température. L’ensemble des résultats obtenus par le mesurage effectué sur les unités testées illustre cette baisse. Comme prévu, la capacité décroît à mesure que la température extérieure baisse. La thermopompe perd jusqu’à 37 % de sa capacité à -12 °C. En utilisant l’unité en deçà de cette température, sa capacité continue de diminuer – selon les données du manufacturier, cette diminution atteint 82 % de la capacité maximale (figure 4); il en va de même pour l’efficacité ou cœfficient de performance (COP). Une source d’appoint devient alors nécessaire et justifie le choix d’un tarif biénergie. Selon les prérogatives du distributeur d’électricité, la structure tarifaire est alors adaptée pour rendre le tarif biénergie concurrentiel aux autres tarifs en misant sur un coût faible en période hors pointe et un tarif dissuasif en période de pointe en vue de privilégier le gaz naturel lors de ces périodes.

Figure 4 — Comparaison de l'efficacité (COP) et de la capacité d'une unité de toit hybride (section thermopompe) obtenues sur site par rapport aux données du manufacturier
Figure 4 — Comparaison de l’efficacité (COP) et de la capacité d’une unité de toit hybride (section thermopompe) obtenues sur site par rapport aux données du manufacturier

Froid et température d’alimentation : une relation évidente

Au même titre que le COP et la capacité, la température d’alimentation en mode thermopompe décroît à mesure que la température extérieure baisse (figure 5). Même au-dessus de -12 °C, il se peut que le brûleur à gaz naturel fonctionne si la température d’alimentation est trop faible pour atteindre le point de consigne désiré.

Lors de la mise en marche (ou l’arrêt) du brûleur à gaz naturel, il y a une augmentation (ou une diminution) de la température d’alimentation. Pour certains modèles d’unité de toit hybride, ce différentiel atteint 10 °C en moins de 10 minutes.

Figure 5 — Température d'alimentation (TSA) en fonction de l'opération de l'unité hybride
Figure 5 — Température d’alimentation (TSA) en fonction de l’opération de l’unité hybride

Halte au givre

L’utilisation d’une unité de toit hybride peut susciter certaines craintes, notamment une éventuelle accumulation de givre et la formation de glace sur l’échangeur. Bien que cette situation se soit présentée sur un des sites de test, elle était due à un conflit entre la stratégie de contrôle de l’unité pour le démarrage du cycle de dégivrage et la durée de fonctionnement de la thermopompe électrique avant la permutation vers le brûleur à gaz naturel. Ce conflit faisait en sorte qu’aucun cycle de dégivrage ne s’effectuait, d’où l’accumulation de givre.

Une fois les ajustements nécessaires effectués et la logique de contrôle du cycle de dégivrage corrigée, l’unité a démarré ses cycles de dégivrage et n’a jamais connu d’autres épisodes de givre. Le dégivrage a généralement lieu à des températures extérieures variant entre 5 °C et -12 °C. La durée du cycle de dégivrage est variable et il n’a pas été possible d’en corréler la durée avec les conditions météorologiques. Elle est toutefois plus longue lorsque l’humidité relative est élevée.

Figure 6 – Accumulation de givre due à un conflit entre les stratégies de contrôle de l’unité
Figure 6 — Accumulation de givre due à un conflit entre les stratégies de contrôle de l’unité

Performance et potentiel de réduction de GES : des résultats contrastés

Le projet-pilote a permis de valider la performance énergétique des unités de toit hybrides. Il a notamment permis de constater que le type d’interaction entre les sources d’énergie peut influencer considérablement l’efficacité globale de ces unités. Ainsi, l’unité qui permet une utilisation simultanée de l’électricité et du gaz naturel présente une moins grande efficacité que celle qui utilise une source d'énergie à la fois et cette différence est significative : dans le cas d’une stratégie où les deux sources d’énergie peuvent fonctionner simultanément, l’efficacité annuelle est de 108 %, alors que pour celle qui n’autorise qu’une source d'énergie à la fois, l’efficacité annuelle peut atteindre 226 %.

La stratégie d’utilisation simultanée ou non des sources d’énergie a aussi un impact sur le potentiel de réduction des GES. On a observé une baisse des émissions de 35 % lorsque le brûleur peut fonctionner pour combler le manque de capacité de la thermopompe, alors qu’en ne permettant qu’une source d’énergie à la fois et en privilégiant la thermopompe jusqu’à la température de permutation, dans la mesure que sa capacité le permet, la réduction des émissions atteint près de 90 %.

 

Consommation énergétique annuelle
(kBtu/an)
Réduction de la consommation énergétique Réduction de la consommation de gaz naturel Réduction des émissions de GES (kg CO2eq/an)
Gaz naturel Électricité Totale
Stratégie avec utilisation simultanée possible des sources d’énergie
Unité de toit gaz (référence) 8 100 0 8 100 - - -
Unité de toit hybride 5 300 780 6 080 -25 % -35 % 148
(-35 %)
Stratégie avec utilisation de la thermopompe en priorité
Unité de toit gaz (référence) 46 818 0 46 818 - - -
Unité de toit hybride 5 421 11 349 16 770 -64 % -88 % 2 181
(-89 %)
Tableau 2

Conclusion

Le projet-pilote a permis de mieux comprendre le fonctionnement d’une unité de toit hybride et d’établir la viabilité de cette technologie comme une solution de décarbonation efficace qui fait appel à la complémentarité des réseaux des distributeurs d’énergie et qui n’a pas d’impact sur la demande de pointe en électricité.

Les unités de toit hybrides offrent une performance énergétique supérieure et permettent un effacement de la puissance électrique sans incidence sur le confort. Quoiqu’ils soient encore peu courants au Québec, ces appareils sont bien adaptés à notre climat. Leur système de contrôle peut être facilement couplé aux systèmes que l’on retrouve dans les bâtiments et leur intégration ne présente pas de défis supplémentaires par rapport à l’installation d’une unité de toit conventionnelle.

La combinaison de cette solution de décarbonation et d’une tarification biénergie permet de bénéficier d’un coût d’énergie concurrentiel. Elle favorise ainsi une transition énergétique intelligente et démontre qu’en misant sur la complémentarité des énergies, il est possible d’atteindre nos objectifs collectifs de réduction d’émission de GES sans accentuer la pression sur le réseau électrique.

 

Marc Francoeur, ing.
Chef d’expertise, Technologies & Solutions énergétiques
Énergir

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