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Les fours rotatifs : un potentiel d’efficacité énergétique considérable pour la décarbonation des sites industriels

27 Mai 2024    6 min.

Les fours rotatifs sont des équipements de très grande dimension utilisés dans plusieurs industries à des fins de traitement thermique à haute température telles que le séchage, la gazéification, le chauffage, la pyrolyse et la calcination des matériaux granulaires. En raison de leur nature énergivore, les fours rotatifs se prêtent particulièrement bien à des projets d’efficacité énergétique. Dans cet article, nous vous proposons d’explorer différents scénarios permettant de réduire leur consommation d’énergie et leurs émissions de CO2, ou encore d’exploiter le gisement de chaleur qu’ils génèrent.

Les origines du four rotatif

Le procédé Leblanc, utilisé pour la fabrication du carbonate de sodium dès la fin du 18e siècle, est considéré comme la toute première application du four rotatif. Une fois le réacteur devenu utile dans cette industrie naissante, il a été rapidement appliqué à la production de chaux à partir de calcaire, puis à la fabrication du ciment. Le secteur de la métallurgie a également bénéficié de cette invention et aujourd’hui, cette technologie est indispensable pour la production d’une vaste gamme de produits industriels.

 

Qu’est-ce qu’un four rotatif ?

Un four rotatif est un réacteur cylindrique incliné et en rotation continue à travers lequel une charge (sable, ilménite, minéraux ou ciment) se déplace lentement vers une flamme. La charge est soulevée et renversée par rotation pour ensuite être déchargée et refroidie. Ce type de four est utilisé lorsqu’un traitement thermique de haute intensité (jusqu’à 2 000 °C) est nécessaire pour atteindre les propriétés physiques requises par le procédé en aval du four (voir figure 1a et 1b). Dans la production de ciment, par exemple, le calcaire est décomposé en oxyde de calcium à haute température et constitue la base des particules de clinker de ciment. Les dimensions d’un four rotatif sont très variables, mais certains peuvent mesurer jusqu’à 230 m de longueur et jusqu’à sept mètres de diamètre intérieur.

Figure 1a : Les composantes majeures d’un four rotatif sont les suivantes : (a) « riding ring » (b) coquille (c) revêtement réfractaire (d) rouleau (e) roulement de roue (h) plaque de base (g) système hydraulique (j) charge.
Figure 1b : Les composantes majeures d’un four rotatif sont les suivantes : (a) tête d’entré du four (c) four rotatif (d) anneau d’équitation (m) boîte de vitesse (n) entraînement moteur (e) rouleau (r) décharge du four rotatif (p) brûleur central.

Ces équipements ont une empreinte carbone élevée et un projet d’efficacité énergétique, soutenu par une bonne compréhension de leur fonctionnement, peut entraîner une réduction considérable de la consommation de combustible, voire une hausse de productivité. La chaleur résiduelle dégagée par ces fours peut aussi être captée par une boucle énergétique pour alimenter d’autres usines ou une communauté. Enfin, l’important gisement de chaleur provenant de ces fours peut être exploité pour la génération d’électricité.

Humidité de la charge

La mesure d’économie d’énergie la plus rentable pour un four rotatif consiste évidemment à réduire la consommation de combustible à la source. Une usine qui utilise un four rotatif peut, sans presque aucun changement aux équipements ou au fonctionnement du four, économiser jusqu’à 50 % d’énergie simplement en protégeant la charge de l’humidité et de l’eau avant qu’elle soit placée dans le four.

L’eau ayant une capacité de chaleur spécifique élevée, une quantité substantielle d’énergie doit être consacrée à son évaporation, ce qui fait augmenter les coûts de combustible et les gaz à effet de serre. Pour éviter ce problème, on peut soit installer un abri extérieur pour l’entreposage de la charge (voir figure 2 ci-contre), soit des silos doseurs du produit intrant, ou encore mettre au point une stratégie de séchage efficace utilisant la chaleur résiduelle du four pour débarrasser la charge de son humidité avant de la placer dans le four.

Figure 2 : Les mines, les cimenteries, les ports et de nombreuses autres industries doivent stocker de grandes quantités de matériaux secs en vrac. Ceux-ci sont souvent laissés à aire ouverte et l’imprégnation d’eau provenant d’intempérie peut affecter la consommation énergétique en aval dans les fours rotatifs (Domes Géometrica).

Réduction des pertes de chaleur

Les pertes de chaleur à travers la coquille d’un four rotatif sont souvent très importantes, notamment dans la zone de combustion, là où se trouve la flamme. L’utilisation de réfractaires isolants à rendement élevé (par exemple une couche céramique LyTherm) peut réduire ces pertes et donc transférer une plus grande proportion de l’énergie provenant de la flamme directement à la charge du four. Les estimations suggèrent que l’installation de revêtements isolants à rendement élevé pour les réfractaires du four peuvent réduire la consommation de combustible de 0,1 à 0,34 MBtu/tonne. Ces chiffres s’appliquent à l’industrie du ciment, mais les gains d’efficacité peuvent être aussi marquants dans d’autres secteurs industriels et pour d’autres applications.

Figure 3 : la section transversale d’un four rotatif qui montre les différents types de réfractaires nécessaire pour le bon fonctionnement et une efficacité énergétique accrue. Le réfractaire isolant peut avoir un effet très positif sur la consommation énergétique d’un four.

Amélioration du système de combustion

Les systèmes de combustion des fours rotatifs consomment énormément d’énergie (jusqu’à 200 MW de puissance) et peuvent être une source non négligeable d’inefficacité. Cette inefficacité peut être attribuable à une mauvaise gestion et à une mauvaise opération du brûleur, du combustible et des produits de combustion. On parle plus précisément de facteurs tels qu’un allumage mal réglé, une combustion incomplète avec formation importante de CO, ou une combustion avec excès d’air, qui diminue la quantité d’énergie transférée à la charge.

De plus, les fours biénergie, voire triénergie, qui basculent fréquemment entre la combustion de gaz naturel, de charbon et d’autres matières premières doivent maîtriser la combustion et la gestion des carburants, de l’air primaire et secondaire, ainsi que la transition entre les différentes sources d’énergie, pour conserver une température et une longueur de flamme qui n’affecteront pas la qualité du produit (sachant que chaque combustible a des propriétés de flamme différentes). Par ailleurs, le système de contrôle de combustion doit assurer la coordination de l’opération et de la température de la flamme avec celle de la température de la charge pendant tout le procédé de chauffage. La température maximale du produit est le principal paramètre de contrôle du processus du four rotatif. Des températures de pointe imprécises ou très variables à la sortie du produit peuvent entraîner des inefficacités de production et une baisse de la qualité ou du rendement du produit ainsi qu’un gaspillage de combustible, en plus d’endommager l’équipement.

Ces défis, combinés à des conditions de fonctionnement hostiles, exigent l’utilisation de pyromètres à haute performance spécialisés (à courte longueur d’onde) qui peuvent être branchés directement dans l’unité de contrôle logique (PLC) pour maximiser l’opération efficace du four. Le diagramme ci-dessous (figure 4a) représente un système de combustion biénergie qui peut être déployé avec un système de contrôle avancé du mélange d’air et de combustible.

Figure 4a : Système de combustion automatisé avec modulation du mélange air/combustible accrue.

Cogénération

La cogénération présente également un potentiel extrêmement intéressant, car elle permet de valoriser l’énergie thermique qui s’échappe des cheminées des fours rotatifs. Dans l’industrie du ciment, par exemple, on estime qu’environ 35 % de l’énergie utilisée est perdue dans les flux de procédé résiduels. En récupérant cette énergie, un système de cogénération ou de production combinée de chaleur et d’électricité peut produire de la vapeur, qui fournit de l’énergie aux turbines. Les turbines transfèrent ensuite l’énergie mécanique à des générateurs, qui produisent à leur tour de l’électricité. Le principal avantage technique des systèmes de cogénération tient à leur capacité d’améliorer l’efficacité de l’utilisation des combustibles pour la production d’énergie électrique et de renforcer le réseau électrique.

Concrètement, une usine de cogénération peut exploiter le cycle organique de Rankine (ORC). Ce cycle repose sur un turbogénérateur fonctionnant comme une turbine à vapeur classique pour transformer l’énergie thermique en énergie mécanique, puis en énergie électrique par l’intermédiaire d’un générateur électrique. Au lieu de produire de la vapeur à partir de l’eau, le système ORC vaporise un fluide organique, ce qui entraîne une rotation plus lente de la turbine, des pressions plus faibles, et l’absence d’érosion des pièces métalliques et des pales. De plus, les systèmes ORC peuvent accommoder différentes températures de source (même inférieures à 100 °C grâce à la sélection du fluide de travail approprié). Ils sont également disponibles dans une large gamme de tailles (jusqu’à 20 MW par arbre). Enfin, ils sont très faciles à intégrer à des systèmes préexistants (par exemple pour récupérer la chaleur perdue dans les processus industriels), ce qui est un avantage pour les usines qui misent principalement sur leurs activités de production.

Les fours rotatifs sont donc des gisements énergétiques importants qui peuvent non seulement pérenniser les opérations et le coût énergétique d’une usine, mais aussi consolider les réseaux électriques dans un monde ou l’électrification est de plus en plus utilisée à des fins de décarbonation.

Figure 4b : Les pyromètres à courte longueur d’onde et à deux couleurs Williamson utilise des longueurs d’onde à bande étroite pour voir à travers les obstructions optiques sévères, tandis que l’enveloppe protectrice de refroidissement évite d’endommager le pyromètre.
Figure 5 : Procédé Cycle Organique de Rankine (COR)

Conclusion

Alors que l’énergie est de plus en plus coûteuse et que les usines sont de plus en plus énergivores, il est vital de miser sur des solutions qui permettent d’optimiser le rendement énergétique des équipements pour rendre les installations plus efficaces, mais aussi faciliter la génération d’électricité afin de fiabiliser le réseau et de produire de la puissance disponible. Énergir offre une expertise, des conseils et un soutien technique de pointe ainsi que de généreuses subventions dans le cadre de son programme d’efficacité énergétique à ses clients qui souhaitent faire un pas de plus vers la décarbonation.

Omar El-Rouby.
Conseiller principal expertise énergétique

Groupe DATECH

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